Eau et terre... [Terminé]

Après plusieurs mètres, nous pénétrons enfin dans le village. Je n'aurai jamais pensé susciter autant de réactions différentes. Certains me regardent par curiosité, d'autres ont peur et d'autres encore semblent méprisant. Très vite, nous nous retrouvons encerclés par une centaine d'humains hostiles, oppressants ou encore fanatiques. Le petit bonhomme me saisit alors par la main et m'entraîne plus loin. Nous arrivons devant une petite chaumière faite de bois et d'un mélange de boue et de pierres. Nous nous précipitons à l'intérieur.
Je remarquai immédiatement l'âme chaleureuse et bienveillante qui règne dans ces lieux. La jeune femme entre, ferme sa porte et couvre ses fenêtres d'un voile doré. Elle me regarde étrangement.

  "Qu'est-ce qu'il vous ferez plaisir ? Il faut que vous mangiez pour reprendre des forces !"
 "Je ne mange pas de nourriture d'humains !"

Devant sa mine déconfite, je sors un petit sachet rempli d'algues desséchés de mon sac en coquillage. Elle me prépare alors un bol d'eau tiède et j'avale d'un trait le mélange verdâtre. Très fatiguée, le petit garçon m'entraîne dans la chambre où je passerai la nuit.
A peine allongée, mes paupières se ferment alourdies par le voyage et le sel de l'eau.
Soudain, un cri m'interpelle. Une odeur étrange me parvint aux narines. Le petit garçon pénètre dans la pièce essoufflé. je comprends qu'un danger est là. Je me lève immédiatement et me précipite vers l'entrée. Je vois la jeune femme, épée à la main devant un être étrange, caché sous une capuche. J'aperçois néanmoins des écailles sur ses mains. On m'a déjà parlé de ses êtres, les Tharbats. je m'approche et saisi les mains de la femme.

  "Prenez l'enfant et partez !"

Elle s'exécute. J'aperçois une forte reconnaissance dans ses yeux, je lui rends avec douceur. Je me place ensuite vers l'étranger.

   "Qui êtes-vous ? Et que voulez-vous ?"

L'être s'approche alors et rentre à l'intérieur. Je le regarde intensément et ne baisse en aucun cas mes yeux. C'est lui qui cédera le premier. S'il veut se battre je suis prête !

Je ne comprends pas vraiment ce qu'il est en train de se passer. D'abord, l'enfant m'ouvre et se retrouve apeuré, ensuite cette femme qui me qualifie d'ennemi ... Mais que ce passe-t-il ici ? Je suis juste venu voir qui était cette personne à écaille, voir si c'était l'un des miens, j'avais même espoir que ce soit mon père. Maintenant je suis là devant cette femme poisson qui me regarde droit dans les yeux. Elle à l'air déjà en train de me combattre seulement de son regard. Peu après son arrivée elle dit :

"Qui êtes-vous ? Et que voulez-vous ?"

Que répondre à cela... Que puis-je dire ? Je vais donc essayer de calmer le jeu et de comprendre un peu ce qu'il se passe :

" Je ne suis pas un ennemi, simplement un explorateur qui va çà et là. Je ne sais pas ce que j'ai fait pour susciter tant de haine de ta part. Mais saches une chose, si tu veux vraiment te battre je suis un guerrier et je ne fuirais pas le combat. "

Sur ces mots je pose ma main sur le pommeau de mon arme et me tiens en garde pour tout éventuel affrontement. J'attends de voir patiemment la réaction de cette femme poisson.

Il s'arrête et parait surpris de ma réaction.

  " Je ne suis pas un ennemi, simplement un explorateur qui va çà et là. Je ne sais pas ce que j'ai fait pour susciter tant de haine de ta part. Mais saches une chose, si tu veux vraiment te battre je suis un guerrier et je ne fuirais pas le combat. "

Me battre ? Je suis plutôt de tempérament pacifiste mais il est vrai que si l'on s'en prend à quelqu'un qui m'est cher ou qu'on s'obstine à vouloir pourrir notre monde je peux devenir moi aussi une grande guerrière. Je le vois alors poser sa main sur son arme. Que va-t-il faire ? La brandir ? Je fronce d'avantage mon regard.

  " Si tu n'es pas un ennemi pourquoi tiens-tu ton arme ? Regarde je ne possède rien à part ce sac minuscule ! "

Je m'avance vers lui. Les tharbats sont des êtres vraiment étranges. Dans mon village d'origine, ils sont craints par la plupart des personnes pour leur forte capacité à s'adapter à toutes les situations. Ainsi, ils peuvent être votre meilleur allié tout comme votre pire ennemi. Depuis toute petite, on nous dit de nous méfier tout en sachant que très rares seront ceux qui croiseront la route d'un ondin ou d'une nymphe puisque qu'ils vivent en générale dans les endroits les plus chauds. Je semble l'avoir déstabilisé avec ma question. Je l'observe attentivement, comme pour attendre qu'il commette une erreur pour pouvoir le punir.
Au bout de quelques minutes je me rends compte qu'il n'a pas l'air méchant. Il m'a l'air surtout très seul. Je vois bien qu'il regarde mes écailles, je le perturbe.
 
  "Tu n'as jamais vu de nymphe n'est-ce pas ?"

Il ne répond pas et semble plongé dans une profonde réflexion tout en resserrant sa main sur le pommeau de son épée. Je souffle un grand coup, je n'ai pas envie de me battre.

  "Qu'est-ce qui t'amènes ici, grand explorateur ?"

Dis-je sur un ton bon enfant afin de détendre un peu les tensions mais je reste néanmoins sur mes gardes.

Alors que je reste là à la regarder je m'aperçois que c'est la première fois que je vois une créature de la sorte. Elle a des écailles comme moi, mais elles sont différentes. Au contraire des femmes de mon peuple sa peau paraît lisse et satiné, et non rugueuse et rêche. Serait-ce un de ces êtres que l'on appelle nymphe ? Sur ces pensées celle-ci me dit :

"Tu n'as jamais vu de nymphe n'est-ce pas ?"

Alors, ces êtres existent bien ! Mais alors ne sont-elles pas normalement pacifique ? Alors que je réfléchie elle m'adresse de nouveau la parole, mais cette fois sur le ton de la plaisanterie :

"Qu'est-ce qui t'amène ici, grand explorateur ?

- Comme je te l'ai dit je vis de voyage et découvre des horizons. D'ailleurs en parlant de découverte, je ne savais pas que les nymphes étaient prêtes à combattre. De ce que je sais vous êtes normalement d'un naturel pacifique. Sinon pour répondre à ta première question mon arme est ma seule amie et c'est elle qui m'a sauvé dans bien des cas. Donc dès que je suis dans des situations délicates j'aime être sûr de l'avoir à mes côtés. Et toi que fais-tu ici ? Et pourquoi voulais-tu me combattre ? "

" Comme je te l'ai dit je vis de voyage et découvre des horizons. D'ailleurs en parlant de découverte, je ne savais pas que les nymphes étaient prêtes à combattre. De ce que je sais vous êtes normalement d'un naturel pacifique. Sinon pour répondre à ta première question mon arme est ma seule amie et c'est elle qui m'a sauvé dans bien des cas. Donc dès que je suis dans des situations délicates j'aime être sûr de l'avoir à mes côtés. Et toi que fais-tu ici ? Et pourquoi voulais-tu me combattre ? "

Sa question m'étonne, alors il connait les gens de mon peuple.

  " Nous sommes pacifiques en effet, mais il arrive parfois que des jeunes plantes douces et soyeuses en apparence, se retrouvent en réalité être carnivores. Il en est de même pour moi, je suis très pacifique mais si l'on touche aux personnes que j'aime, je n'hésite pas à ma battre ! "

Ma réponse à l'air de le laisser perplexe. Je ne sais pas encore si je peux lui faire confiance d'autant plus qu'il n'a toujours pas lâcher son arme. Je ne détache donc jamais mon regard de lui, on ne sait jamais. Une seconde d'inattention et ma tête pourrait facilement se retrouver sur le sol, séparée de mon corps.
Je poursuis :

  " Tu as l'air d'en savoir plus sur mon peuple qu'il n'y paraît. En tout cas bien plus que moi j'en sais sur les Tharbats ! "

Au moment ou je prononce ce nom, il relève la tête et me fixe longuement, je peux enfin voir ses yeux brillants dans l'obscurité, je sais que les membres de son espèce sont tous différents, plus ou moins proche des hommes. Lui, il ressemble beaucoup à un lézard. Sa peau est toute recouverte d'écailles biens différentes des miennes, elle sont rêches et rugueuse. Me voyant le détailler du regard, il rebaissa sa tête et plongea à nouveau dans l'obscurité.

" La raison pour laquelle je suis ici ressemble à la tienne, j'ai soif de découverte, je veux connaître le monde et pas seulement les océans et les mers ! Pour répondre à ta question, je n'ai aucune envie de me battre, jamais, mais parfois quand on sent un danger, il nous faut bien nous défendre ! Et toi dis moi, tu es seul ? Personne ne t'accompagne ? C'est étrange d'habitude, vous êtes solidaires non ? "

" Et toi dis moi, tu es seul ? Personne ne t'accompagne ? C'est étrange d'habitude, vous êtes solidaires non ? "

Ses questions me touchent. Cela fait bientôt un an que j'ai quitté ma tribu. J'étais destiné à être quelqu'un d'important en son sein. Me voilà maintenant un simple voyageur, perdu désespérément sur les routes à la recherche de son âme. Je ne suis rien sans lui, j'ai toujours vécu dans ses yeux et je ne peux vivre sans cette être.

" Oui je suis seul, un pauvre ère à la recherche d'une chimère. Mon objectif m'a conduit loin des miens et je ne pourrais y retourner. Mon retour se fera seulement en ayant réussi mes recherches. C'est ainsi que je compte explorer chaque recoin de cette planète à sa recherche. "

Alors que je parle le ciel se couvre de nuage noir. C'est si soudain alors que le ciel était bleu que l'on croirait que la nuit a décidée de prendre le pas sur le jour, chose exceptionnelle en notre monde constamment baigné par la lumière. Un tel décor fait croire que des dieux s'amusant avec nous ce sont enfin décidés d'en finir dans un déluge. Le tonnerre commence à exploser de part et d'autres dans ce ciel aux aspects apocalyptiques.

" Tu as cru que j'étais un ennemi, mais il n'en est rien. Me permettras-tu de passer cet orage dans cette chaumière à tes côtés ? Tout ce que je veux c'est un toit, rien de plus. "

" Tu as cru que j'étais un ennemi, mais il n'en est rien. Me permettras-tu de passer cet orage dans cette chaumière à tes côtés ? Tout ce que je veux c'est un toit, rien de plus. "

Étrange ce ciel noirci et ces vents puissants et glaciaux à la fois. Je regarde mon interlocuteur. Il attend une réponse. Mon côté pacifiste et quelque peu naïf me souffle de le laisser entrer mais mon instinct de survie et les connaissances que j'ai récolté ces derniers temps me dise de me méfier.

 "J'accepte, mais sache que je garde un oeil sur toi !"

A ce moment précis, une rafale de vent me fouette le visage et un son s'en dégage, comme un gémissement d'une provenance inconnue. Je regarde le tharbat pour voir s'il l'a aussi entendu.

   "Tu l'as entendu ? Ce gémissement qui vous brûle de l'intérieur, cette plainte qui vous tiraille les entrailles et qui vous donne envie de crier à votre tour ? Cette peine et cette souffrance ?


Je n'arrive pas à lire dans son regard la réponse, je me recule et le laisse se mettre à l'abris.

   "Crois-tu que quelqu'un est en danger ? Ne devrions nous pas y aller ?"

Alors qu'elle accepte enfin de me laisser entrer dans la chaumière pour m'abriter une rafale arrive accompagnée d'une voie. Cette voix est entrée en moi comme si elle avait franchi mes oreilles pour atteindre directement mon coeur. C'est vraiment étrange.

"Tu l'as entendu ? Ce gémissement qui vous brûle de l'intérieur, cette plainte qui vous tiraille les entrailles et qui vous donne envie de crier à votre tour ? Cette peine et cette souffrance ?"

Alors, elle vient aussi d'entendre cette voix... Mais qu'est-ce que cela peut être ? Cette voix me donne envie de parcourir les routes à sa recherche comme si elle m'attendait quelque part.

"Crois-tu que quelqu'un est en danger ? Ne devrions nous pas y aller ?

-Pour le moment nous ne pouvons rien faire, seulement attendre que cette tempête s'arrête."

Je commence à pénétrer dans la maisonnette toujours prudent comme me l'a enseigné mon père. Je m'assois dans un coin de la pièce, prêt à me reposer pour pouvoir repartir à la fin de cette tempête.

"Tu devrais te reposer, malgré que je te fasse peur."

Lui dis-je avec un sourire aux lèvres. Soudain une pensée me traverse l'esprit :

"Au fait je me demande où sont passés les deux personnes qui habitent ici et surtout si elles accepteraient ma personne en leur chaumière ?"

Je me réveille alors qu'il est encore tôt et que les premiers rayons du soleil commencent à peine à se faire sentir. Sans bruit je me lève et aperçois la jeune nymphe à mes côtés assoupies dans un sommeil qui m'a l'air profond, comme si elle n'avait pas pu trouver un repos convenable au début de la nuit. Alors que je marche dans la maison à pas feutrés je m'aperçois que les deux habitants de cette maison sont enfin rentrés. Je suis rassuré de ne pas avoir chassé des gens de chez eux pour qu'ils soient blessés par la tempête. D'ailleurs ce changement de temps si soudain était vraiment étrange ainsi que la voix que l'on a entendue alors que j'étais encore sur le pas de la porte. Je crois que celle-ci venait de l'ouest, comme une voix venant des montagnes d'Aeglir. C'est d'ailleurs vers là que je décide donc de me diriger. Cette rencontre avec une nymphe m'aura quand même servi, me permettant de me rendre compte que malgré les précautions que je prends avec ma cape je fais encore peur. Je dois vraiment faire attention à l'image que je véhicule car je dois vraiment ressembler à quelqu'un de peu recommandable. J'aurai aussi vu à quoi ressemble une nymphe, j'espère en revoir un jour. Bon c'est l'heure de retourner faire ce que je sais faire de mieux, explorer. En route pour Aeglir.